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Terminologie

Le terme de ''lettre française'' nécessite quelques précisions du fait de l'évolution de son sens et de ce qu'il recouvrait, au cours du temps.

 

A la fin du XVIème siècle, la bâtarde gothique, variante calligraphique de la cursive gothique (donc plus formelle), a évolué vers une forme nouvelle d'écriture.

Cette écriture sera copiée par le typographe Robert Granjon en 1557 et sera nommée ''lettre de civilité'' à partir du XVIIIème siècle (du fait que les livres ainsi imprimés étaient surtout des livres de savoir-vivre).

 

Alphabet de lettres de civilité de Robert Granjon (1566)

Livre imprimé en lettres de civilité par Robert Granjon en 1560

Cette ''lettre de civilité'' aura un succès foudroyant et de nombreux livres seront imprimés avec cette typo; mais ce ne fut qu'un feu de paille car en moins de 50 ans, elle fut presque complètement oubliée, pour resurgir un siècle plus tard de manière épisodique jusqu'au XIXème (de nos jours, quelques polices s'en inspirent).

 

Inversement, cette lettre devenue typographique fut reprise par les calligraphes (c'est le premier mouvement dans ce sens là).

 

Ces derniers ont donc développé à partir de cette lettre de civilité, à la fin du XVIème siècle, une nouvelle écriture nommée ''bastarde françoise'' ou ''lettre financière'' ou encore ''lettre françoise''.

 

Les deux premiers termes sont ambigus, peu précis (la financière du XVIIIème ne ressemble plus guère à celle du XVIème) et recouvrent parfois plusieurs utilisations (ainsi Louis-René Luce au XVIIIème parle de financière pour la bâtarde classique qui découle en fait de la lettre italienne).

 

Je parlerai donc de ''lettre française'' pour cette écriture intermédiaire entre la bâtarde gothique et la ronde, et qui fut utilisée de 1550 à 1650 environ.

 

Exemple typique de ''lettre française'' qui fut réalisé par Mr de Beaulieu en 1599

Par arrêté du Parlement de Paris, il fut demandé en 1632 à Louis Barbedor, alors syndic de la confrérie des Maître-écrivains, de codifier cette écriture.

Il le fit en en arrondissant les angles qui lui restaient de ses origines gothiques.

 

La fameuse ''Ronde'' dans un exemplaire (gravure) du à son créateur Louis Barbedor

Il en montra des exemples, entre autres, dans son livre ''Les Escritures financière et italienne bastarde dans leur naturel...''.

 

On voit que le flou terminologique s'installe et va durer en fait jusqu'à nos jours, s'aggravant même, puisqu'au XVIIIème on nous dit que LES lettres françaises sont au nombre de trois (la ronde, la bâtarde et la coulée), et depuis le XXème, où la bâtarde (du XVIIIème, que j'appelle classique), totalement ignorée des anglo-saxons, est alors confondue avec la bâtarde gothique.

 

Ci-dessous quelques exemples d'écritures toutes appelées ''Bâtarde''

 

Grandes heures d'Anne de Bretagne, enluminé par Jean Bourdichon vers 1505.
Il s'agit de la bâtarde gothique dite bourguignonne, proche de la flamande.
La bâtarde anglaise s'en distingue par certaines particularités ainsi que l'allemande (qui évoluera vers la Fraktur)

Lettre française en partie issue de la précédente et qui précède la Ronde
Page du Calligraphe Guillaume le Gangneur (1553-1624)

Bâtarde italienne due au calligraphe Jean de Beaugrand (1562-1600), père de Baptiste de Beaugrand également calligraphe, dans son ouvrage ''Poecilographie'' de 1598.
Il s'agit donc de ce que j'appelle ''Lettre italienne'' issue de la cancellaresca moderna et qui précède la bâtarde classique.

Exemple type d'appellation source de problèmes : ''Courante italienne bastarde secrétarienne à la française''
Oeuvre de Lucas Materot, formidable calligraphe, dans son livre ''Les Oeuvres...'' justement

LA Bâtarde. Celle que j'appelle bâtarde classique pour ne pas la confondre avec la gothique.
Ce sont les deux seules que j'appelle bâtarde.
Celle-ci est due au calligraphe François Nicolas Bédigis (1738-1814) dans son ouvrage ''L'Art d'écrire démontré par ...''

Pour résumer cette question embrouillée, en sachant que les périodes se chevauchent, on trouve

  • Au XVème (début Renaissance) : les lettres humanistiques et la bâtarde gothique
  • Au XVIème (fin Renaissance) : les lettres chancelières et la lettre de civilité (en typo)
  • Au XVIIème (le Baroque) : la lettre française et la lettre italienne (mais aussi flamande, allemande, espagnole)
  • Au XVIIIème (le Classique) : la Ronde, la Bâtarde et la Coulée (les trois constituant ''les lettres françaises'').

 



01/08/2018
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